En Val d’Azun, tout est à déguster sans modération.
Le Val d’Azun est sans nul doute la vallée la plus agreste des Hautes-Pyrénées.
Le travail séculaire de l’homme se lit dans le paysage.
Les prairies impeccablement fauchées, donnent à la montagne un bel aspect entretenu et humanisé. Elles sont bordées d’alignement de frênes qui d’évidence n’ont rien de naturel.
Le Val d’Azun n’est pas une réserve d’indiens folklorisés.
Les 70 agriculteurs qui y vivent revendiquent haut et fort le terme de paysan au sens noble d’habitant du pays. Il est préféré à celui d’agriculteur en usage chez les technocrates pour différencier gratouilleurs de terre avec les grattes papiers de tout poil.
De même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, en Val d’Azun on fait du bio depuis toujours faute de savoir faire de l’ordinaire.
L’air est pur. Dans la plupart des villages trône une fontaine dont l’eau est buvable. Rare aujourd’hui. Elle surgit naturellement des montagnes.
Entre tradition et modernité, l’élevage prédomine.
Le rythme des saisons est respecté depuis les temps immémoriaux.
L’hiver, les bêtes restent à l’abri dans le confort douillet de l’étable. Au printemps et à l’automne, on les voit « pacager » aux alentours des villages, se repaissant à l’envie de l’herbe grasse des prairies.
L’été vient le moment de la transhumance. Vaches et brebis piaffent d’impatience à l’approche du grand départ.
Lâchées en liberté dans la montagne, elles oublient l’espace d’une saison le glorieux destin qui les attend. Celui de figurer en bonne place sur quelque table de gastronomes avertis.
Bonne laitière, robuste et charpentée, la brebis Basco béarnaise est consacrée à la production fromagère. La tarasconnaise, montagnarde et infatigable marcheuse est préférée entre toutes pour ses qualités bouchères. Vaches et chèvres sont également élevées pour la viande, le fromage et le lait.
En val d’Azun, l’avenir de l’agriculture s’annonce serein.
Au moment où en France, le monde paysan saigné à blanc par le mirage urbain, perd des bras chaque jour, le Val d’Azun a su prendre le bon virage au bon moment.
Une trentaine de nouvelles exploitations « sont reprises », pour partie par de nouveaux arrivants mais en majorité par des jeunes reprenant le flambeau de leurs parents.
Pour la plupart, c’est un choix de vie.
Aller à la ville pourquoi faire, alors qu’ici, on peut bien vivre quand on s’accroche.
Beaucoup des ces jeunes sont pluriactifs. Moniteurs, accompagnateurs, certains possèdent un gîte ou un camping à la ferme.
La production fromagère est emblématique du dynamisme des bergers Azunois.
Un label Val d’Azun a été créé en 2012 à l’initiative des producteurs eux-mêmes. À l’image des vins de cru, chaque exploitation possède sa spécificité. Le fromage est un produit vivant pour lequel il n’est pas question de bloquer la maturation par des procédés artificiels.
Son goût évolue dans le temps et d’une ferme à l’autre. Les fromages produits sous ce label n’ont pas le goût formaté des tommes promenées dans les Pyrénées, juste le temps de se voir apposé une étiquette « produit du pays ».
Le recours à l’ensilage est interdit. Les éventuels compléments alimentaires sont garantis sans OGM.
En marge des activités traditionnelles, quelques produits originaux méritent également d’être connu.
La vallée d’Estaing est réputée pour sa flore mellifère. De nombreux apiculteurs transhumants viennent « mettre leurs abeilles » sur les fleurs de montagne, notamment en fin d’été sur la bruyère.
Le porc noir qui avait disparu des cours de ferme fait un retour remarqué. De même que la poule gasconne dont on dit qu’elle était la préférée d’Henri IV.
Pour la satiété des touristes par l’odeur alléchée, les producteurs ont mis en place un dispositif de visite des fermes et de vente directe. Autant d’occasions de se fournir directement à la source et de se mettre en appétit par la saveur des commentaires.
On peut également s’en procurer à Arrens-Marsous à la Belle Pyrène, boutique spécialisée en produits locaux et dans la plupart des commerces de la vallée.
Par Gérard Caubet