Entre novembre et décembre, la montagne, vêtue de ses couleurs automne, est particulièrement en beauté. Les premiers flocons saupoudrent déjà les hauts sommets.
Pour les isards, les affaires sérieuses commencent. C’est la période du rut.
Ces messieurs qui d’ordinaire vivent en solitaire, rejoignent ces dames pour un grand raout où se joue l’avenir de l’espèce.
À cette occasion, les hardes se laissent facilement observer à distance raisonnable des sentiers.
Les animaux apparaissent moins craintifs qu’à l’ordinaire. Of course, ils sont tout occupés à leur affaire.
Un groupe de chèvres confortablement installées observe avec un intérêt compréhensible deux isards de forte stature se livrant à une poursuite effrénée.
Ce sont deux beaux mâles : le sultan en titre et un outsider qui tente sa chance. Qui ne tente rien n’a rien !
La « propriété du harem » se joue à cet instant.
Le vainqueur sera l’élu de leur cœur.
Chez les isards, les mâles sont polygames.
Le poursuivant s’arrête.
L’intrus est sorti de son territoire. Il s’éloigne penaud. Tintin pour cette fois, la prochaine sera peut-être la bonne !
La période la plus intense du rut se situe de mi-novembre à mi-décembre.
Les isards quittent les hautes cimes et commencent à se rabattre sur leurs quartiers d’hiver.
Leur pelage s’assombrit et s’épaissit.
Chaque groupe est placé sous l’autorité d’un mâle dominant.
Ces derniers marquent leur territoire en frottant leurs cornes contre les arbustes et autres végétaux.
De temps à autre de « jeunes mâles coureurs » tentent de pénétrer dans le « gynécée ». Ils sont systématiquement poursuivis et chassés.
Sur le point d’être rejoint, le fuyard peut émettre un bêlement. C’est un signe de peur.
Le rut dure en moyenne de 4 à 6 semaines, entre novembre et décembre.
Chez le bouc, la production de sperme est continue durant toute l’année, mais augmente à partir de début juillet pour atteindre son maximum en novembre.
Des glandes situées derrière les cornes se développent.
Elles émettent une sécrétion grasse, brun verdâtre, dont l’odeur nauséabonde semble plaire à la gent féminine.
Chez la femelle, l’oestrus dure 1 à 2 jours et se renouvelle toutes les 3 semaines tant qu’il n’y a pas eu fécondation.
La maturité sexuelle du mâle apparaît physiologiquement dès l’âge de 18 mois, mais faute de place disponible sur la ligne de départ, il ne participe au rut qu’à partir de sa troisième ou quatrième année. Avant, ils sont toujours évincés par des boucs plus âgés.
Chez la femelle, la maturité sexuelle est estimée à 18 mois en moyenne.
Mais la première fécondation a souvent lieu vers trois ou quatre ans.
Après 23 à 25 semaines de gestation, la chèvre met bas un seul chevreau, exceptionnellement deux.
Les cabris naîtront au printemps.
Ils auront ainsi tout l’été pour se consolider afin d’affronter leur premier hiver dans les meilleures conditions.
Le comportement des isards en rut est des plus intéressants à décrypter.
Les mâles sont dotés d’un répertoire comportemental leur permettant d’affirmer leur dominance sans avoir à combattre. Leur agressivité s’exprime surtout par la menace, l’intimidation et la charge, mais rarement par le combat.
En frottant leurs glandes rétrocornales sur des végétaux, ils marquent leur territoire.
Ils s’aspergent également les flancs d’urine, renseignant les autres membres du groupe sur leur état d’excitation sexuelle.
L’ébrouement de rut est aussi une posture courante.
Le mâle bien campé sur ses pattes ployées, tête en avant, poil hérissé, fait osciller son dos latéralement en s’aspergeant les flancs d’urine.
Pour intimider la concurrence, il augmente son volume corporel. Il avance alors tête haute, dos voûté, pattes raides et poils hérissés.
La moue des lèvres retroussées, le piétinement, et les sauts de menace sont également utilisés.
Les poursuites et charges sont nombreuses et spectaculaires pendant le rut.
Elles peuvent être longues (mâle poursuivant un autre mâle) ou courtes
(mâle poursuivant une femelle ou femelle repoussant un mâle).
Elles s’arrêtent quand l’intrus sort du territoire.
C’est également par l’urine, que les chèvres communiquent leur désir d’être fécondées.
Les mâles possèdent un organe (organe vomérien) qu’ils utilisent à cette fin en
retroussant leur lèvre supérieure.
Petit clin d’œil, nous autres humains serions également dotés d’un organe voméro-nasal (OVN) situé à l´intérieur du nez. Sa fonction unique et exclusive serait de capter les phéromones qui se dégagent des personnes qui nous entourent, entraînant des émotions et comportements distincts. D’où peut-être l’expression « ne pas le sentir ».
L’accouplement des isards est bref. Quelques secondes tout au plus.
Une fois son affaire faite, le mâle entoure la femelle de toutes les attentions.
Pendant toute la période de rut, les mâles ne se nourrissent pas… À l’inverse des humains qui invitent au restaurant l’objet de leur convoitise.
Par Gérard Caubet