Roi du val d’azun, seigneur des Pyrénées, prince des abîmes, nœud de précipices, malgré ses superlatifs, le Balaïtous n’occupe pourtant que le 8 °rang sur la liste officielle des 3000 pyrénéens.
Lot de consolation, il est le premier 3000 à se dresser à l’occident de la chaîne.
Pour la HRP, c’est au Balaïtous que commence la vraie confrontation avec la haute montagne. Auparavant tout n’était que promenade de santé.
Le Balaïtous n’est pas un « m’a-tu vu », loin s’en faut.
Caché dans les replis de la haute chaîne, il sait se monter discret.
Le Gabizos et le Pic du midi d’Arrens, ses 2 dauphins le dérobent aux regards.
De la route du Soulor qu’il apparaît dans toute sa majesté.
On le reconnaît à sa face Nord en forme de triangle penché vers la droite et barrée d’un trottoir de géant.
En guise de coquetterie, un bandeau de calcaire blanc souligne le sommet couronné de neige tard en saison.
Côté Est, le glacier de las Néous le rend reconnaissable entre tous.
Aujourd’hui le patronyme Balaïtous s’impose.
Ça n’a pas été toujours le cas. Les anciens l’appelait aussi Marmuré. Pour les Espagnols c’est le Pico de Los Moros (pic des maures).
Le nom de Balaïtous, aux consonances musicales, signifierait en patois local « vallée laiteuse ». Ceci en référence à la couleur des eaux de fonte surgissant au pied de la moraine frontale du glacier de las Néous.
Le Balaïtous n’est pas un sommet ordinaire avec un côté qui se monte et l’autre qui se descend.
Sa puissante charpente n’est qu’un foisonnement d’arêtes d’aiguilles, de gendarmes, de cheminées, de brèches, de vires vertigineuses et de chaos cyclopéens. Même les isards y perdent leur latin.
Pour le gravir, il n’existe aucune voie dite normale et qui le soit vraiment.
Côté français, deux itinéraires s’offrent aux montagnards.
L’itinéraire dit de la Grande Diagonale ou la Cheminée de la Néous. Les montaneros espagnols n’ont d’autre choix que la brèche Latour dont l’ascension est facilitée par quelques crampons scellés dans la roche.
La course reine du Balaïtous est la traversée des trois arêtes : Nord Occidentale, Costerillou et Crêtes du diable. C’est une des grandes voies des Pyrénées.
Un bivouac est obligatoire au milieu.
Cette splendide course souffre du désintéressement actuel pour le pyrénéisme de difficulté. L’escaladeur moderne préfère les escalades accessibles en voiture.
Le tour du Balaïtous est sympa. Contrairement à son voisin l’Ossau, il n’est pas possible d’en faire le tour dans la journée (sauf à être doté de mollets en acier trempé).
Ses arêtes tentaculaires sont autant d’obstacles à contourner et il faut plusieurs jours de randonnée.
Le tour du Balaïtous est bien pourvu en refuges gardés.
Dans l’ordre des aiguilles d’une montre : Larribet, Respomuso, Arrémoulit et Migouelou.
De nombreux abris-sous-roche au confort spartiate séduiront les amateurs d’authenticité. En Val d’Azun, ils sont généralement appelés « Toues » et se conjuguent au féminin. Leur charme les fait souvent préférer au confort tarifé des refuges gardés.
La plupart des toues sont sommairement aménagées
Les principales ont pour nom Doumblas, Labassa, Larribet, Castérie ou aussi l’abri André Michaud au beau milieu de la grande diagonale.
Au pied des Crêtes du Diable, la toue de Castérie a vu passer tous les grands noms de la montagne. Le récit de leurs exploits résonne encore entre ses murs de pierre sommairement bâtis par les bergers. Chapeau bas.
La conquête du Balaïtous est un exemple d’humilité.
Ses premiers vainqueurs n’ont pas fait gloire de leur exploit. Il s’agissait de deux officiers géodésiens Peytier et Hossard, chargés d’établir les cartes d’état-major.
Elle ne sera connue qu’en 1877 à l’occasion de la publication d’un compte-rendu lapidaire sur une revue.
Leur itinéraire demeure encore inconnu.
Après 4 tentatives infructueuses, ils finissent par fouler le sommet le 3 août 1825 sous la conduite du guide Coustet d’Arrens.
Anecdote amusante, lors d’une tentative par temps de brouillard, ils font le Pallas par erreur. Quelle n’est pas leur surprise de voir apparaître le Balaïtous en face dans une déchirure nuageuse.
Autre anecdote, en 1826 ils restent bloqués 7 jours prés du sommet par le mauvais temps.
Trente-sept ans plus tard, en 1862, Charles Packe, anglais de son état, tente la première officielle.
Après plus d’une semaine à chercher une voie, il donne l’assaut par une voie qui deviendra plus tard, l’arête Packe Russel. Croyant déflorer le Balaïtous, il y découvre les traces d’un campement, vestiges du passage de Peytier et Hossard. Le dépit est total.
Selon la légende, sa chienne Ossoue était de l’expédition, réalisant en cela la première canine du Balaïtous.
Par Gérard Caubet